Théorie de l’attachement, neurosciences et parentalité positive

Qu’ont la théorie de l’attachement, les neurosciences et la parentalité positive en commun ? C’est justement ce que nous allons voir dans cet article !

Chacune de ces trois pierre angulaires sont passionnantes et méritent un article propre. J’ai déjà écrit sur la parentalité positive et bienveillante, je développerai peut-être les deux autres point dans un autre article (si vous me le demandez en commentaire). Je vais me contenter ici des poser les bases afin de pouvoir, ensuite, les relier.

Nous allons donc voir rapidement :

  • qu’est-ce que la théorie de l’attachement, avec les recherches de Bowlby et Ainsworth
  • que sont les neurosciences et qu’ont-elles apporté comme découvertes ces derniers années concernant le développement et le fonctionnement de notre cerveau
  • qu’est-ce que la parentalité positive, consciente
  • enfin, quel lien il y a-t-il entre eux
  • et, avant tout cela, un point sur ce que tout parent devrait savoir !

C’est parti !

Qu’est-ce qu’un parent devrait savoir ?

Quand on devient parent, on n’a pas forcément un diplôme sur le développement de l’enfant en poche ! En même avec lui, la parentalité est un tsunami qui peut faire bouger beaucoup de choses et remettre en perspectives nos certitudes. Cela s’appelle la matrescence – encore un sujet intéressant que j’aimerais développer… un autre jour !

Quand on devient parent, donc, on est souvent entouré·e de spécialistes qui, eux, savent. Le·a pédiatre, par exemple, qui va prôner telle ou telle approche. Malheureusement, tous les professionnels de la petite enfance ne sont pas à jour dans leurs connaissances sur les besoins physiologiques d’un bébé ni son développement cérébral.

Alors si vous ne deviez savoir que peu de choses « théoriques » (à côté de ce que vous sentez en vivant avec votre enfant), je pense que ce devrait être celles dont on va parler ici. La théorie de l’attachement et les neurosciences en lien avec la parentalité positive.

Ils pourront être des phares dans la nuit, quand vous serez dans des moments de doute concernant l’approche parentale que vous souhaitez construire avec votre enfant.

Car la science et l’amour ne sont pas opposées, bien au contraire…

PS : quand je dis « devrait savoir », c’est sans jugement culpabilisant, mais bien dans l’idée que ce savoir devrait être accessible. Lors des préparations à la naissance, par exemple. Voire directement à l’école, car même si tout le monde ne devient pas parent, tout le monde est en contact avec des enfants… Ou a tout simplement été soi-même un enfant.

©Liane Metzler

La théorie de l’attachement

Pour comprendre la théorie de l’attachement, revenons aux sources, avec la personne qui en a posé les bases dans les années 50 : John Bolwby. Nous parlerons également des travaux de Mary Ainsworth (deux de mes idoles pendant mes cours de psychologie à l’université !)

Définition de la théorie de l’attachement

La théorie de l’attachement nous dit que l’attachement du bébé à sa figure d’attachement a pour base un « équipement comportemental » constitué par un nombre déterminé de « réponses instinctives » qui l’orientent vers la figure d’attachement.

Pas de panique, ce n’est pas compliqué !

Bowlby a identifié 5 comportements d’attachement de l’enfant pour renforcer le développement de l’attachement à sa figure d’attachement (ou caregiver – celui qui prend soin de l’enfant) :

  • sucer
  • attraper
  • suivre
  • pleurer
  • et sourire

Si l’auteur a quelque peu complexifié le répertoire possibles de comportements d’attachement, l’idée reste la même. Ce sont des comportement qui ont pour but la recherche ou le maintien de la proximité avec sa figure de référence.

Il existe des compléments passionnants à cette théorie, notamment avec l’éthologie et la phylogénétique… mais je ne vais pas entrer dans ces détails pour rester focus !

L’attachement, pour le meilleur et pour le pire

La figure d’attachement fonctionne, en principe, comme un havre de sécurité, une source de réconfort et de protection dans un contexte d’activation physiologique ou de menace environnementale, et comme base de sécurité pour l’exploration.

Susana Tereno (« La théorie de l’attachement : son importance dans un contexte pédiatrique »)

L’attachement de l’enfant envers son caregiver se développe indépendamment du type de traitement qu’ils reçoivent, même dans le cadre de mauvais traitements. Si l’adulte se comporte mal avec l’enfant, l’enfant se clamera lui et se pensera indigne d’être aimé plutôt que remettre en question l’amour et l’attachement qu’il porte à son parent.

Car l’attachement est un besoin vital chez l’enfant. Le besoin de créer un lien durable avec la personne qui prend soin de lui.

La ou les figures d’attachement

L’enfant se construit petit à petit une sorte de hiérarchie de figures d’attachement, au fur et à mesure que son monde s’élargit et que d’autres adultes prennent soin de lui.

Un des points cruciaux concernant la figure d’attachement, c’est la disponibilité :

  • la perception de disponibilité de la figure d’attachement procure un sentiment de sécurité
  • et l’inverse est associé à de l’anxiété et de l’insécurité.

Le bébé, acteur dans la relation

Le bébé est loin d’être passif dans la théorie de l’attachement. Comme nous l’avons vu, il peut rechercher activement, avec les moyens qu’il a, à faire venir ou rester sa figure d’attachement. Il peut initier ou clore une conversation… et tout cela dès ses premières semaines.

On est bien loin de l’image du bébé tube digestif ! Le bébé est acteur, possédant déjà des compétences. Personnellement, je trouve cela passionnant !

Le concept de base de sécurité

Mary Ainsworth a contribué à développé la théorie de l’attachement à différents niveaux. Comme avec le concept de base de sécurité.

La base de sécurité, incarnée par la figure d’attachement, représente pour l’enfant un support à partir duquel il peut explorer le monde avec confiance. C’est donc grâce à la qualité de la relation et de la sécurité qui en découle que l’enfant peut s’éloigner et explorer. (Nous y reviendrons !)

Contrairement aux croyances populaires, la réponse aux pleurs d’un bébé de moins de douze mois n’augmente pas sa dépendance à l’égard des adultes. En effet, les bébés auxquels, dans les premiers trois mois, on répond toujours et aisément, pleurent moins à la fin de la première année.

Ainsworth et Bell (1974)

La situation étrange et les différents types d’attachement

Mary Ainsworth a mis en place une expérience (« la situation étrange ») où une mère arrive avec son enfant dans une pièce inconnue et, au bout de quelques minutes, sort sans son bébé, puis revient. En observant les réactions de l’enfant aux séparations, retrouvailles et introduction d’une personne inconnue, 4 groupes d’attachement ont été identifiés.

  • Groupe A : attachement insécure évitant 
  • Groupe B : attachement sécure 
  • Groupe C : attachement insécure ambivalent ou résistant
  • groupe D : attachement désorganisé/désorienté 

Je ne vais pas développé dans le détail tous les groupes, mais plutôt me focaliser sur celui qui nous intéresse : l’attachement sécure.

L’attachement sécure

Dans le cas d’un attachement sécure on peut observer :

  • L’utilisation active et la confiance de l’enfant envers la figure d’attachement pour réguler ses émotions.
  • En présence de sa figure d’attachement, l’enfant explore facilement et n’est pas méfiant envers l’adulte étranger.
  • Quand il se sent menacé ou angoissé par la séparation, il le signale directement, cherchant activement la proximité et le contact avec la figure d’attachement. Et ce contact l’apaise presque immédiatement.
  • Une fois l’adulte revenu, après avoir exprimé ses émotions, l’enfant se sent à nouveau capable d’explorer son environnement et partager des émotions agréables avec sa figure d’attachement.

Sans entrer dans le détai, au contraire dans les autres types d’attachement, l’enfant n’est pas à l’aise pour explorer l’environnement. Il ne se sent pas soutenu par une base de sécurité.

Attachement sécure et comportements du caregiver

Une relation se construit à deux. Nous avons vu que le bébé avait dès le départ tout un panel de comportements pour entrer en relation avec l’adulte.

La façon dont le parent va s’occuper de son enfant aura un impact direct sur la qualité du lien d’attachement.

Les études de Mary Ainsworth relient l’attachement sécure aux comportements parentaux suivants :

  • contact physique fréquent et soutenu, spécialement pendant les six premiers mois
  • sensibilité aux signaux du bébé, et, en particulier, la capacité à gérer ses interventions en harmonie avec les rythmes du bébé 
  • une ambiance prévisible
  • un plaisir mutuel ressenti par le parent et le bébé.

Rien n’est figé

Les auteurs des études sur la théorie de l’attachement précisent que :

  • l’enfant peut développer un attachement sécure avec l’un de ses parents et insécure avec l’autre
  • un attachement insécure peut devenir sécure grâce à des changements dans les « circonstances de vie » de l’enfant
  • et un attachement sécure ne garanti pas une sorte d’immunité face aux souffrances psychologiques, mais il peut aider au développement de compétences qui les minimisent ou qui aident à les surmonter. 
©Robina Weermeijer

Les neurosciences et le développement de l’enfant

Les neurosciences est un domaine d’étude passionnant qui étudie le cerveau et le système nerveux, tant du point de vue de sa structure que de son fonctionnement… et de son évolution. Car notre cerveau évolue tout au long de notre vie, même si les premières années ont une importance toute particulière. Car le cerveau de l’enfant, à la naissance, est extrêmement immature.

Imaginons notre cerveau comme une fleur. Notre environnement est son terreau, le soleil et la pluie. Plus la plante est nourrie, mieux elle se développe. Et au contraire, le manque de nutriments et l’arrivée d’éléments nocifs perturbent son bon développement. Cela ne veut pas dire qu’elle ne grandira plus jamais. Si son environnement change, elle pourra encore fleurir et s’épanouir.

Tout ce que va vivre l’enfant, les expériences affectives et sociales, vont avoir une influence considérable sur son cerveau. C’est-à-dire que ça va modeler le cerveau au niveau des molécules, des neurones, des circuits cérébraux et structures cérbrales, et même de l’expression des gènes. Tout ce que va vivre l’enfant va être imprimé dans son cerveau et va modifier le développement de son cerveau.

Catherine Gueguen

Cerveau en construction

Le cerveau de l’enfant est extrêmement malléable. L’environnement social et affectif de l’enfant a une très grande influence sur son développement. Il a un impact sur :

  • la sécrétion des molécules cérébrales
  • le développement des neurones
  • la myélinisation (substance qui entour les neurones)
  • les synapses (connexion entre les neurones)
  • les circuits neuronaux
  • les structures cérébrales
  • l’axe neuro-endocrinien (qui régule le stress)
  • et l’expression de certains gènes.

De quoi a besoin notre cerveau pour bien grandir ?

Une parentalité bienveillante, empathique et soutenante va faire en sorte que le cerveau va se développer de façon optimale.

  • Aussi bien au niveau cognitif (intellectuel, pensées, mémoire, apprentissages…)
  • qu’affectif (capacités relationnelles, émotions et sentiments)
  • et cela va avoir un impact positif sur certaines régions précises du cerveau, comme le centre de la mémoire et de l’apprentissage (hippocampe) et la zone qui nous permet de prendre du recul et réguler nos émotions (cerveau préfrontal)

Le cerveau prefrontal est le centre de l’empathie, la maîtrise de soi, la régulation émotionnelle, l’anticipation, la capacité de comprendre et d’identifier l’impact de nos actes, la responsabilité.

Je pense que tous les parents rêvent de permettre à cette partie du cerveau de leur enfant de se développer.

Catherine Gueguen

Le développement du cerveau de l’enfant : une équation simple

L’équation est simple :

  • plus on soutien et encourage un enfant, plus les structures de son cerveau vont se développer.
  • A l’inverse, quand un enfant ressent des émotions désagréables et qu’il est laissé seul avec sa détresse, il va sécréter des molécules de stress (du cortisol). Ce sont ces molécules, à forte dose, qui sont toxiques pour le cerveau et peuvent aller jusqu’à détruire des neurones dans des zones essentielles.
©Kelli McClintock

La parentalité positive

Elle peut être nommée parentalité positive et bienveillante, ou parentalité consciente, empathique, non violente, respectueuse…

La parentalité positive et le respect

Cette approche de la parentalité est une démarche où la relation à l’enfant et son bon développement sont au coeur de tout. L’enfant est vu comme un être humain qui mérite le respect tout en étant une personne dépendante, en pleine évolution, et plus fragile.

Ainsi, le parent tente de son mieux de s’adapter aux besoins de son bébé. Besoin de proximité, de chaleur humaine, de réassurance, de stimulations (appropriées)… Cela peut être grâce au peau à peau, au portage, au cododo, aux jeux partagés, d’accompagnement des émotions… Les besoins de grandir de l’enfant sont également pris en compte, et le parent accompagne de son mieux l’envie de l’enfant d’être de plus en plus autonome. « Apprends-moi à faire seul », comme le disait Maria Montessori.

La bienveillance pour l’enfant et pour soi

La notion de bienveillance s’applique tant à l’enfant qu’à soi-même, en tant que parents. Car, d’une part, l’enfant apprend par l’exemple. Et, d’autre part, il ne s’agit pas d’une méthode qui s’appliquerait de façon cadrée, mais d’une véritable philosophie de vie. C’est son rapport à soi et au monde tout entier qui est transformé.

La parentalité positive pour briser le cercle des violences

Et enfin, cette notion de bienveillance vient s’opposer aux violences (appelées souvent VEO – Violences Educatives Ordinaires). Elles sont perpétrées de façon systémique envers les enfants à tel point qu’elles ne sont souvent pas perçues comme des violences. Vous trouverez ici une liste (non exhaustive) pour vous donner une idée de ce qui est considéré comme une VEO.

J’ai écrit un article plus détaillé sur la parentalité positive que je vous invite à lire si vous voulez creuser le sujet.

La parentalité positive en lien avec les neurosciences et la théorie de l’attachement

La parentalité positive et bienveillante, ou respectueuse est consciente… semble être basée sur des évidences du quotidien plus que sur des preuves scientifiques.

Et pourtant, ces trois domaines se rejoignent bel et bien. Comme Isabelle Filliozat et Catherine Gueguen le démontrent dans plusieurs de leurs ouvrages, ou même les études déjà si lointaines de John Bolwby. La façon dont le(s) parent(s) prend(nent) soin de l’enfant change tout.

Les neurosciences ont montré que manifester notre amour à nos enfants déclenchent une sécrétion d’ocytocine, multiplie le nombre de récepteurs à ocytocine dans le cerveau, diminue les hormones de stress, augmente l’immunité et développe les circuits neuronaux dans le cerveau préfrontal. »

Isabelle Filliozat

L’impact concret (et scientifiquement prouvé) de la parentalité positive

Cela a une influence physique concrète : sur le corps, l’expression des gènes, le cerveau et la construction psychologique de l’enfant. Le cerveau se modifie grâce à l’empathie et la bienveillance. Ces attitudes lui offrent un terreau favorable pour évoluer sainement.

La parentalité positive, en cherchant à construire une relation de confiance avec son enfant et à répondre à ses besoins en constante évolution :

  • soigne la relation parent-enfant, ce qui rejoint le concept d’attachement sécure et de base de sécurité
  • accompagne les émotions de façon empathique les émotions de l’enfant, ce qui fait maturer les circuits cérébraux et les liens entre le cerveau archaïque, cerveau émotionnel, et cerveau supérieur (pour être capable de gérer ses émotions)
  • aide l’enfant à prendre son autonomie : l’enfant soutenu explore plus facilement son environnement et devient plus vite autonome
  • outille l’enfant pour gérer le stress
  • soutient le développement de zone cérébrales cruciales pour les apprentissages et la vie sociale et affective
  • favorise la confiance en l’autre, le monde et soi

(…) paradoxalement, l’attachement est le moyen par lequel l’enfant acquiert son autonomie.

Miljkovitch et al. (2012)

La parentalité positive : une approche scientifiquement approuvée !

La parentalité positive est ainsi à un carrefour où se rejoignent à la fois des théories et observations scientifiques et une volonté de changer notre regard sur l’enfant, comme avec le mouvement contre les violences.

On aime jamais trop son enfant !

Catherine Gueguen

Comme le dit Filliozat, l’amour n’est pas une récompense, c’est un carburant. Il permet à nos enfants de se développer harmonieusement et de développer leurs compétences pour faire face au monde… Et c’est scientifiquement prouvé !

Sources et liens pour aller plus loin

J’aime toujours vous laisser des liens pour sourire les informations que je vous partage. Car l’information, surtout si elle se veut rigoureuse et scientifique, devrait toujours être accompagnée de sources 🙂

Et puis, même si mon article est long, il n’est pas exhaustif ! Tellement de choses à dire sur le sujet, alors voici quelques pistes pour poursuivre la réflexion.

Articles

Livres

Des vidéos intéressantes à regarder

4 réflexions sur “Théorie de l’attachement, neurosciences et parentalité positive”

  1. Merci pour ce très bon article, clair et qui résume très bien les livres de Ch. Gueguen et I. Filliozat. Ces principes devraient être étudiés pendant la préparation à l’accouchement et à la parentalité. Merci merci.

  2. Très bon article 👏
    Dans notre parcours de sage-femme, on apprend les théories de l’attachement donc toutes celles de notre génération ( je suis trentenaire) sont au courant (ou devraient) qu’on ne laisse pas pleurer un bébé, même si il s arrête instantanément quand on le prend aux bras, bien au contraire.
    Mais quand on voit le fossé avec les « anciennes » à ce sujet (et bien d’autres comme la physiologie de l’accouchement) (pas toutes bien sûr mais une grande partie), je me dis que le chemin est encore long avant que tout cela ne semble une évidence pour tous…
    Quand on en parle aussi en cours de préparation a l’accouchement, on voit le septicisme de certains papas. Je reste persuadée qu’une maman laissant pleurer son bébé, c est contre nature et qu’elle le fait sur une pression familiale ou sociétale.

  3. Merci 🙏😊
    Oui, je trouve aussi que tout cela devrait faire partie de la préparation avant de devenir parent, une préparation qui devrait dépasser juste la grossesse et la naissance, car même si ce sont des étapes importantes et marquantes, ce ne sont que des étapes d’un long voyage ❤️

  4. Merci pour ce commentaire, je suis ravie d’avoir le retour d’une sage-femme 😊🙏
    J’ai espoirs que les mentalités changent progressivement, y compris dans le monde médical et l’accompagnement des (futurs) parents 😊❤️

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