Manea sur un chemin en bois

De l’importance du cadre et des limites dans la parentalité

Quand on parle de cadre et de limites dans la parentalité, très vite des réactions assez variées peuvent émerger. Recherche de structure rigide et rassurante ou, au contraire, réticence face à une forme d’autorité ou de contraintes.

Ceci n’est pas un scoop : nous avons tous besoin, adultes comme enfants, d’un cadre. Un cadre rassurant dans lequel nous nous sentons assez en sécurité pour nous développer, vivre au quotidien, apprendre, expérimenter… 

Cadre, limites, règles, contraintes… est-ce compatible avec la parentalité positive et bienveillante ? Spoiler : oui, tout à fait !

Des règles, du cadre… et surtout ne pas céder face à l’enfant ! … Vraiment ?

J’entends et je lis beaucoup encore ce genre d’idée : l’enfant est là pour tester le cadre et nous pour lui résister. Car l’enfant, pour se sentir en sécurité, a besoin d’un cadre strict qui ne varie pas.

L’enfant a besoin de savoir qu’il ne peut pas faire tomber le cadre. Il peut ainsi être rassuré sur la solidité de ses parents, et c’est pour ça qu’il ne faut céder en rien aux demandes de l’enfant… Du moins, c’est ce que certaines théories de psychanalyse ou psychologie de comptoir veulent faire croire.

Je vois plusieurs problèmes à ces formulations : 

  • l’enfant est un être à « dresser »
  • Il s’oppose par principe, le fond de sa parole n’a donc que peu de valeurs
  • Le parent, pour le bien de l’enfant, doit se montrer ferme, strict et intransigeant.

Un être à dresser en recherche de docilité….

Évidemment, tous les parents veulent faire de leur mieux avec leur enfant, pour leur bonheur immédiat et long terme. Et, évidemment, nous avons chacun·e notre parcours, nos représentations, nos ressources et notre énergie…

Mais si vous remplacez le mot enfant par « épouse », vous retrouverez un écho de la conception de la femme d’il y a quelques dizaines d’années. Une femme à « cadrer » par son mari tout puissant.

Non, l’enfant n’est pas un être sauvage à dresser et mater. L’enfant est une personne, sa parole compte. Et il est en constante évolution… ce qui peut être bousculant, tant pour lui que pour nous. 

Terrible two et sa phase du non : quand les limites sont mises à mal

Le « terrible two » est décrit comme la phase, vers les deux ans de l’enfant, où son mot préféré devient « non » ! Petit à petit, l’enfant s’affirme, se différencie… et c’est tout à fait sain et normal ! 

Mais ce nom « terrible two » est venu donner une connote extrêmement négative à cette phase. 

Elle est terrible surtout par ses termes et sa conception de l’enfant. Sortons du rapport de force, que notre enfant ne réclame absolument pas. 

Sortir de la relation symétrique où chacun tire la corde de son côté pour se place aux côtés de son enfants, regarder dans la même direction, avec empathie.

Construire un cadre clair et impliquer l’enfant

Cadre et liberté 

Offrir un espace de liberté à l’enfant, comme le propose la parentalité positive et bienveillante, ne veut pas dire ne pas mettre de limites. Mais justement poser des limites autour de l’espace dans lequel l’enfant peut expérimenter en sécurité.

À quoi servent les règles ?

Afin d’élargir la réflexion, partons du point de départ : à quoi servent les règles ? Normalement, elles sont là pour (se) protéger et bien vivre ensemble.

Questionner les règles permet de revenir à leur raison d’être et leur essence : la règle qui convient à toutes les situations, plutôt que plein de règles qui se ressemblent.

Plutôt que : ne lance pas la nourriture, ne lance pas tes jouets, ne lance pas tes livres… 

On pourrait dire : on prend soin de / respecte ses affaires et celles des autres.

Et pour chaque règles, on peut se demander sa raison d’exister : pourquoi cette règle ? 

  • Par peur du regard des autres ? (Jugement)
  • Par rapport à des normes intégrées socialement, par mon histoire… (reproduction, culpabilité)
  • Que touche cette règle ? Est-elle importante pour moi ? 

Comprendre le « non »

En plus du travail de comprendre nos « non » et là où les raisons qui les justifient à nos yeux, on peut également envisager le non du point de vue de l’enfant et de son besoin du moment.

Un « non » posé à l’enfant peut souvent être reformulé afin de le réorienter vers une activité plus adaptée. Par exemple, un enfant qui jette des objets ou saute sur le fauteuil manifeste un besoin de bouger. On peut lui proposer une activité plus acceptable pour nous qui reprend son envie de mouvement : jeter une balle dehors, sauter sur un matelas au sol où aller au parc, à la plaine de jeux…

Derrière les « non » (tant les nôtres que ceux de nos enfants), il y a souvent un « oui » possible, un bon compromis.

Parentalité positive et règles ?

La parentalité positive et bienveillante est souvent vue, à tort, comme trop permissive et laxiste. 

L’idée n’est pas de ne pas mettre de limites, mais de les mettre de façon claire et réfléchie. (Réfléchie dans le sens « en conscience », sans répéter par automatisme d’éducation ou social). 

Peu de règles, mais bien posées. Par exemple : 

  • On ne fait pas mal, ni à soi ni aux autres
  • On prend soin/respecte des objets (on n’abîme pas volontairement les objets)
  • … 

Cette vision des règles en parentalité positive et bienveillante invite à réfléchir à ses « non » autant qu’à ses « oui », à pourquoi on les pose… 

Mettre peu de limites, cela tient tant à la préparation de l’adulte que de l’environnement, un peu à la façon dont Montessori l’entendait : 

  • un adulte qui est au clair avec les attentes réalistes qu’il peut avoir concernant son enfant (ses capacités, son besoin de bouger et d’expérimenter…) 
  • et dans un environnement pensé pour l’enfant (autonomie action et sécurité). 

Fournir un milieu de grande liberté, un environnement adéquatement préparé, car ce dernier fait partie intégrante de la vie et que la vie ne peut exister sans environnement. »

Maria Montessori

Mettre des limites, par exemple pour la sécurité de son enfant ou le « bien vivre ensemble en famille », est nécessaire. Et, bonne nouvelle, poser des limites peut se faire de façon bienveillante ! Par exemple en expliquant la raison d’exister de la règle (voir y réfléchir ensemble et impliquer l’enfant) et la dire avec autant de douceur et de calme qu’un « oui ». 

L’enfant ne va pas mieux intégrer un interdit s’il est dit avec une grosse voix… C’est même plutôt le contraire : l’enfant risquant de se focaliser sur l’affectif au détriment de la règle et de sa raison d’être. 

Parentalité, règles et limites : un vrai cheminement !

[Ajout : Suite aux commentaires qu’a suscité cet article, sur le blog et Instagram, j’ajoute cette dernière partie. Merci à vous pour vos échanges enrichissants. ]

Mettre des limites aux enfants (mais aussi dans les autres cadres de noter vie, dans nos relations sociales, professionnelles…) de façon bienveillante, ce n’est pas évident ! Cette difficulté tient surtout du fait que ce n’est pas la norme dans notre société occidentale. Nous n’avons pas été élevé comme cela et nous ne sommes pas baigné dans ce mode de communication au quotidien.

Mais, il y a une bonne nouvelle : nous continuons d’apprendre et d’évoluer toute notre vie ! Avec de la volonté et du temps, deux ingrédients important, nous pouvons changer notre façon de communiquer. D’autant plus si nous avons pu changer de regard : changer de regard sur l’enfant, la parentalité, nous… Une nouvelle conception nous donnera la motivation pour mettre de la cohérence entre nos pensées et nos actions.

Cette façon de concevoir les règles, le cadre, le « non » bienveillant… c’est un peu comme le cap de votre boussole interne. Un idéal que l’on garde en tête afin de nous guider au quotidien. Vous n’y arriverez pas tout de suite, et peut-être pas tous les jours, en fonction de votre contexte, vos ressources, votre niveau d’énergie… Peut-être aurez-vous besoin d’aide lors de ce cheminement, mais cette conception de l’enfant et de la parentalité positive vous aidera à maintenir votre cap.

Bref, parentalité bienveillante et cadre, règles et limites ne sont pas du tout incompatibles. Le tout s’associe dans un équilibre subtile et en mouvance, propre à chaque famille, dans le respect de tous, enfant et parent.

J’espère que cette réflexion sur les règles, les limites, le cadre et la parentalité positive et bienveillante vous aura apporté un apport éclairant dans votre propre cheminement. N’hésitez pas laisser un commentaire ni à me contacter pour une demande d’accompagnement parental.

2 réflexions sur “De l’importance du cadre et des limites dans la parentalité”

  1. Article très clair et intéressant.
    Je suis totalement d accord avec le « dire non avec autant de douceur que pour un oui » mais c est hyper dur à appliquer. Alors que je trouve ça idiot « d agresser » l’enfant pour un non mais les fameux automatismes…
    Et ton article tombe a pic, parce je suis tombée sur plein de dérives tellement extremes sur la parentalité positive que ça fait réfléchir. Du genre :  » si il ne veut manger que des pâtes c est pas grave on pas l obliger a manger des légumes en négociant ou en le manipulant » (pour tous les repas il parlait) et je trouve ça trop extreme car la santé de l’enfant est en jeu… bref je pense que tous les extrêmes sont negatifs et que les règles faites dans la bienveillance sont importantes comme tu dis

  2. Merci Anaïs pour ton commentaire. Et oui, ce n’est pas évident, surtout au début (changer les habitudes) et surtout quand nous sommes au bout de nos ressources (fatigue, accumulation…). C’est vraiment un cap pour sa boussole intérieure, et un réel cheminement personnel et familial.

    Chacun pose les limites et le cadre dans sa famille, pour certains une alimentation variée sera plus importante que pour d’autres, ou selon les phases aussi de l’enfant, son âge et ses particularités (trouble de l’oralité par exemple)… Bref, il n’y a pas une façon unique d’être parent ni de mettre des limites, et même pour la même famille cela évolue dans le temps…

    Mais, clairement, la parentalité positive et bienveillante n’est pas du laxisme : il y a un cadre autour de l’enfant, pour le sécuriser, pour le bien vivre ensemble, pour tenir sur le long terme aussi et ne pas s’épuiser en tant que parent… Et poser un cadre avec bienveillance, ce n’est pas évident au début, car cela ne fait pas partie, bien souvent, de la façon dont nous avons appris les choses lorsque nous étions enfant. Des apprentissages à déconstruire pour mieux rebâtir 🙂

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