Devenir parent à deux : un phénomène dont on parle peu. On sait que devenir mère, devenir père, c’est tout un processus qui se vit de façon unique pour chaque parent… et même parfois à la naissance de chaque enfant. Le terme « matrescence » commence à se faire connaitre dans le cas des mères [1].
Ce concept est la contraction des mots maternité et adolescence. Il décrit cette phase particulière, souvent lors du quatrième trimestre (postpartum) où la femme devient maman. En parallèle, on pourrait parler de patrescence pour les pères, qui eux aussi vivent tout un processus pour devenir père.
Et cette phase, de matrescence/patrescence, ne se vit pas seulement dans sa relation à soi, à son bébé et au monde. Une autre dimension s’ajoute : celle de devenir parent à deux, coparents.
Du couple aux parents
Lorsque l’on devient parent, il s’opère un véritable changement du paradigme du couple. Le couple devient souvent secondaire à l’enfant, voire plus du tout prioritaire et parfois oublié.
Beaucoup de femmes sentent une fois que leur bébé est là qu’elles n’étaient pas tout à fait prêtes pour ça. C’est humain ! Et pourtant, quand on y réfléchit sur le plan psychosociologique, le discours autour de la maternité et de la parentalité adressé aux mères est beaucoup plus fort que celui adressé aux pères.
Qu’en est-il du coup de ce processus pour ces pères ?
À quel point vivent-ils ce sentiment de ne pas se sentir prêt ?
Parent principal, parent expert
Il existe un cercle vicieux qui se met en place dans beaucoup de famille de façon tout à fait insidieuse. La mère est généralement considérée, inconsciemment, comme le premier parent de l’enfant. Vu l’organisation des choses, c’est elle qui va rester plus longtemps en congé parental pour prendre soin de son bébé… Et du coup, nous sommes face à une prophétie autoréalisatrice : la mère, jugée plus experte que le père pour s’occuper de l’enfant, s’occupe plus de lui et devient de plus en plus experte.
Et c’est là que le cercle vicieux peut s’installer. Plus la maman s’occupe du bébé, plus le père se met en retrait. Moins il agit, moins il se sent capable d’agir et de faire aussi bien que sa conjointe et/ou est jugé comme incapable de faire aussi bien que sa conjointe.
Et quand il s’occupera de l’enfant, la maman aura parfois tendance à redoubler de conseils, qui peuvent vite se transformer en directives. Les papas, moins expérimentés que la maman, pourront se sentir moins doués, moins connectés à leur enfant… Et à cela s’ajoute le sentiment d’être brimés par l’omniscience de leur conjointe, qui ne leur laisse pas assez de place pour faire leurs propres expériences et développer leurs propres méthodes auprès de leur bébé.
Devenir père aux côtés de la mère
De la même façon qu’on ne nait pas femme, on devient mère peu à peu. Nous, mamans, sommes passées par des périodes de doutes, de flou absolu. Nous avons fait nos erreurs et en avons tiré des apprentissages. Et c’est toute cette expérience qui nous a permis d’être la mère que nous sommes aujourd’hui. Pas parfaite, mais plus expérimentée que hier et moins que demain.
Peut-être est-ce de cela dont les papas ont besoin : de temps et d’espace, d’essais et d’erreurs.
Et peut-être que le plus difficile est de laisser faire, même quand ça risque de ne pas être parfait à nos yeux. Le sac pour sortir n’est pas fait comme on en a l’habitude, le body est mal boutonné… Ces remarques prêtes à franchir nos lèvres méritent qu’on les tourne un peu dans notre bouche avant de les prononcer.
Lâcher prise et faire confiance : des clés pour être parents à deux
A quel moment, en voulant que les choses soient faites parfaitement, cela ne me coute pas quelque chose dans la dynamique de coparentalité ?
Une question personnelle dont la réponse et l’équilibre qui en découle seront personnels à chaque parent et couple parental.
Personnellement, ce lâcher prise m’a mis du temps, entre autre parce que je manquais de recul quant à ce phénomène. Et je pense qu’une coparentalité réfléchie, paisible et harmonieuse et une pierre importante à apporter à l’édifice d’une parentalité bienveillante. J’espère qu’en lisant ces lignes, certains parents pourront agir plus rapidement, voire préventivement, et poser les bases d’une coparentalité saine, sereine et épanouie.
Ressources
Cet article inspiré par le podcast de la Matrescence, épisode 20 (saison 2) avec comme invitée Clotilde Dusoulier de « Oui change ma vie » : Changer son rapport aux émotions pour avancer dans sa parentalité.
Pour aller plus loin, je vous invite à écouter ce podcast. Je vous recommande également cette vidéo d’une conférence TED d’Alexandra Sacks « Une nouvelle façon de penser la transition vers la maternité » pour en savoir plus sur la matrescence (dont je reparlerai dans un futur article).
Notes
- Cet article est cis/hétérocentré dans sa formulation. Mais on peut remplacer mère par « parent principalement présent auprès de l’enfant au début de sa vie » et père par « conjoint, second parent ».